Scrupules épistémologiques et autres réflexions....


Notre objectif artistique souhaite dépasser l’opposition entre ce qui serait l’ordre de «l’intime» contre un ordre «impersonnel» ou objectif. Le chaud versus le froid. L’individu-nécessairement innocent, victime versus le méchant système de la cartographie vue d’en haut !

   

Il nous apparaît plus riche de penser depuis une position impossible. Celle qui consiste à faire entrer la multiplicité dans la carte et la carte dans le multiple: les gueux s’asseyant à la table de la métaphore parfaite. Car la carte est, par excellence, le point de vue synoptique sur le réel, l’outil vrai parce que, ô combien représentant de la volonté de maîtrise ! Autrement dit, le projet de géographie subjective souhaite frotter le concept aux dites impressions sensibles, particulières, multiples d’un individu ou plusieurs individus. Le frottement va toujours dans les deux sens.

Bidouiller des cartes, c’est faire l’expérience d’un chiasme de la pensée: les oppositions s’étiolent et  soudainement le fameux «réel sauvage» s’avère agencé, béquillé, charpenté par les formes, figures et autres représentations abstraites et, comme si cela n’était pas assez, c’est le «concept pur», la forme dite objective de la carte qui dévoile ses coulisses imaginaires.


Le schéma n’existe pas sans la main et la main trace assez «naturellement» des schémas....


Il s’agit pour nous de créer depuis cette tension - grâce à elle.

Tension entre la forme instituée de la carte avec ses conventions, ses codes, sa forme rassurante (mais aussi devenue étrange parce que presque autonome...) et l’expression d’une subjectivité impossible.


Non pas tant exprimer que rejouer le geste de la pensée qui spatialise pour se donner un corps.


Mais nous pourrions également choisir de quitter cette dite subjectivité anachronique et l’échelle de l’individu pour penser des déterminations, des structures et des flux: Il s’agirait alors de répertorier les passants, calculer le nombre et la fréquence de certains gestes, etc... Intervenir dans l’espace public ne signifiant pas nécessairement collaborer / travailler avec ceux qui y passent.

Pourtant entre le lyrisme de la dé-substantialisation et le lyrisme de la sainte subjectivité, nous avons choisi un « entre-deux »: Explorer, tracer, penser un espace qui conserve comme échelle d’action et d’analyse, l’individu, celui qui, selon De Certeau use de tactique, braconne, taille dans le réel.


Le bricolage serait au coeur même de la pensée.


Les cartes présentées ici se discutent, se dessinent et se corrigent donc avec des mains pensantes !


Notre horizon n’est pas tant de dénoncer que de témoigner d’une attitude complexe face à la carte et au territoire. La même complexité que tout un chacun peut ressentir devant l’autorité, le pouvoir ou la parole claire du maître.


Projet artistique de géographie collective, cartographie mentale et fantasmée.... Catherine Jourdan, psychanalyste, réalise des cartes en collaboration avec Pierre Cahurel, designer.

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